à l'envi

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La Ronde


La ronde d'avril 2020: silence

Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.

 

Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est  silence...

 

 

Ainsi va la ronde aujourd'hui,

 

 

Marie Noëlle,  écrit chez

Hélène qui écrit chez

Noël (talipo),  chez

Franck,  (ici!) et Céline chez

Dominique A,  chez

Jacques,  chez

Giovanni, chez

Marie Noëlle ....

 

 J'ai le grand plaisir d'accueillir Noël et je remercie Dominique qui édite mon texte sur son blog

 

 

derrière les vitres


l'hiver file
le cercle se ferme
persiennes scellées et mes lèvres
le réveil déréglé s'inverse et le temps se freine
le verre de mes fenêtres se teinte de gris persillé de perles gelées
et je reste en ce prisme livide imprégné de mes velléités chétives entre
l'éveil et le déclin de ce ciel inerte

vient léger
derrière les vitres
tel le rire des grives ivres
le petit cri d'invite de l'espiègle fillette
elle erre vive de pré en pré entre les spectres des pins empesés de neige

elle émet
de ses lèvres fines
ce minime signe indistinct
et revient le silence éphémèrement brisé
je tire le pêne viens vers elle et même si le pied ripe je me dépêche
de l'index levé vers ses lèvres elle m'intime de ne rien dire et tend ce
même index vers les pics ceints de nimbes éthérés

de ses cils
frêle penne vibre
de ses dents brille le fier rire
de ses tresses d'ébène glisse le bercement
elle prend le sentier invisible en plein hiver et m'emmène en terres de gel

elle est reine
de ces neiges vierges
ces névés irisés de ciel
ces pierriers relevés de fins pendentifs de givre

me révèle
immense et limpide
cette sereine liberté

et je rêve
de rendre infinie

cette étreinte

 

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Ce poème est écrit en utilisant  uniquement les deux voyelles du mot "silence". Il est structuré en forme
bigollo ( www.talipo.fr/?page_id=1376#c_bigollo ) : les longueurs des  vers suivent, dans chaque strophe, la progression 3,5,8,13,21,34 de la célèbre suite de Fibonacci.


06/04/2020
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La ronde d'octobre 2019: épreuve(s)

Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.

 

Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est  épreuve(s)...

 

 

Ainsi va la ronde aujourd'hui,

 

Métronomiques, Dominique H. écrit chez

Éclectique et Dilettante, Marie-Noëlle chez

le portrait inconscient, Giovanni chez

à l’envi, Franck (ici!) chez

talipo, Noël chez

Promenades en Ailleurs, Marie-Christine chez

jfrisch, la vie de Joseph Frisch, Jacques chez

la distance au personnage, DA chez
Dominique H., donc...
 

 

 

 J'ai le grand plaisir d'accueillir Giovanni et je remercie Noël qui édite mon texte sur son blog talipo

 

Cette beauté provisoire de la vie

 

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Député socialiste lors de la première législature républicaine, mon père se confronta à de nombreuses « épreuves » en mettant dans son mandat autant d’enthousiasme que d’expérience de la loi, notamment du droit administratif. Apprécié vivement par ses collègues ainsi que par les leaders de son parti, il n’eut pourtant pas de chance avec son collège électoral de Grosseto en Toscane, frappé par le succès parallèle du Parti communiste.  Donc, il ne fut pas réélu aux élections politiques de 1953. Accompagné pour le reste de sa vie par cette blessure non cicatrisable, il ne cessa pour autant de couver le désir de rentrer un jour proche dans la vie politique active, sa véritable vocation. Cependant, il refusa courageusement tout rôle grégaire dans son parti et repartit à zéro. Ou alors, comme le disait notre regretté Massimo Troisi, il recommença par trois. https://www.youtube.com/watch?v=oR-hJAxr0uU.

Un : il pouvait exercer l’activité professionnelle d’avocat civil. Deux : il avait à son côté une femme exceptionnelle, qui  pendant des années, toujours avec le sourire, porta sur ses épaules une partie considérable du poids économique de la nouvelle situation. Trois : tout en ayant une profonde passion pour la musique, alimentée par une longue fréquentation du violoncelle, mon père était un grand photographe ainsi qu’un infatigable chauffeur.

 

 

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En découvrant ses vieux films enroulés, dont la plupart des images, jugées moins bonnes, n’avaient pas été imprimées, je me suis moi-même engagé dans l’épreuve, difficile sinon impossible, de récupérer, mettre en valeur et garder la mémoire de ce qui a existé et ce serait dommage de perdre.

Mon père avait un talent naturel pour les portraits. Cependant, il ne se jugeait pas immortel : il voyait bien claire devant lui la précarité de toute existence. Voilà pourquoi il se sentait obligé d’exprimer à chaque déclic son immense gratitude à la divinité invisible qui protégeait notre famille. Sinon, il partageait avec ma mère une idée toute spartiate, mais absolue, de la beauté  qu’on ne doit pas trahir. Il s’agissait en même temps de la beauté des choses et de la beauté de la vie.

Moi, je pourrais ajouter d’autres évidences que ces épreuves révèlent : non seulement le sentiment commun d’une famille heureuse et pourtant consciente d’être menacée par les brusques allures du monde. J’y vois déjà tracées ou même sculptées les épreuves que chacun de nous devra endurer tout au long de sa vie future.

 

 

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Après les épreuves que nos parents durent affronter, chacun de nous en a enduré. Suivant des pistes apparemment  différentes, se liant à des noms de personnes et de lieux bien éloignés les uns des autres. Et pourtant j’y reconnais un destin commun, une  sensibilité tout à fait particulière, où les idiosyncrasies et les mythologies s’entrelacent en un écheveau impossible à démêler. Certes, on était très soudé et nos dates de naissance ne pouvaient être plus proches :  ma sœur Barberina est née le 27.2.1944, suivie par moi le 16.10.1945 et par mon frère Francesco le 20.7.1947. Cependant, cette beauté provisoire de la vie que mon père a su immortaliser en quelques déclics — révélant un geste heureux ou la parution soudaine d’un rayon de soleil — fait désormais partie de notre ADN et finalement de notre essence vitale commune.

 


15/10/2019
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La ronde de Janvier 2019: Musique(s)

Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.

 

Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est  musique(s)...

 

 

Ainsi va la ronde aujourd'hui,

 


Dominique Hasselmann

 

 

 

 
J'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Marie-Christine et je publie ma participation chez Jean-Pierre que je remercie pour son accueil.
 
A vous Marie-Christine:
 
"

Le voici de nouveau devant cette page blanche…

Inutile d’insister, les mots lui échappent.

Il attrape la thèse qu’on lui a demandé de relire. Autant ne pas perdre son temps puisque l’inspiration n’est pas au rendez-vous. Gagner sa croûte en corrigeant les textes des autres ou en noircissant du papier, payé à la ligne, il en a assez. Mais il ne sait rien faire d’autre. Comme disait sa mère : « tu n’es bon à rien en dehors de tes livres.. » Empiler les petits boulots sans intérêt, corriger des phrases exposant un sujet qui lui est étranger, relire des manuscrits qui feront le succès d’un autre, c’est une torture qu’il s’impose comme s’il voulait se punir d’avoir choisi les lettres plutôt que les chiffres contre la volonté de son père.

Sa vie aurait peut-être été différente s’il avait achevé son stage à la banque de l’oncle Gaston, le frère de sa mère qui avait « réussi ». Ce genre de réussite, bâtie sur l’argent des autres, le dégoûtait. Son père exaspéré par sa démission, l’avait envoyé à l’autre bout du pays pour la cueillette des fruits. Ce qui aurait dû être une punition, se révéla comme la plus belle période de sa vie. Les saisonniers dont il faisait partie, vivant ensemble jours et nuits, formaient une famille éclectique qui aurait déconcerté n’importe quel gosse de son âge. Mais pour la première fois de sa vie, il eut l’impression d’être accepté pour ce qu’il était, qu’on l’écoutait. De fermes en fermes, il avait suivi le groupe d’ouvriers étrangers qui parcouraient le pays en fonction du calendrier des récoltes. C’est là qu’il rencontra Lili, la catalane, à la voix si claire, au regard si bleu…

Deux ans de sa vie si importants pour lui, dont il avait gardé si peu de choses, quelques photos délavées, quelques morceaux de guitare dont la chanson fétiche que Lili lui avait apprise, quelques lettres. La musique rythmait leurs journées, berçait leurs amours, réchauffait leurs nuits. Lili chantait en s’accompagnant à la guitare, lui écrivait les paroles. Elle disait que la musique réunit les peuples et nourrit l’amour. Elle avait un timbre de voix unique, chaud et léger à la fois et un petit accent catalan qui le faisait fondre. Un regard d’elle et il était le roi de la scène.

Tout ceci était bien loin. Il n’avait plus joué pour personne depuis que Lili...

Retour en ville. Seul. Il faut bien gagner sa vie, devenir le spécialiste des petits boulots : de serveur en plongeur, d’écrivain public en correcteur pour maisons d’édition, de coach sportif en prof de français à domicile, accessoirement prof de guitare acoustique pour ado bobo désœuvré. La littérature est un luxe qu’il ne peut plus se permettre. Son roman est en panne, comme sa vie d’ailleurs. Aucune muse ne lui rend plus visite . Au fond, il sait bien qu’il n’a aucun talent, même si on appréciait ses arrangements quand Lili chantait autour du feu, même s’ils avaient un beau succès en faisant la manche en marge des festivals méridionaux. En dehors de ses études de lettres classiques, et de ces quelques années de duos partagés, il n’a rien fait de sa vie, rien d’autre qu’un carnet de chansons.

Enfin presque…

Mais cela personne ne le saura jamais.

Il ouvre la fenêtre, l’air est presque doux ce soir. Il s’approche du garde-corps branlant. Le sol qui brille sous la pluie d’automne paraît si proche. Il serait si simple…

 

Quelques notes de guitare montent du bar du rez-de-chaussée. Le mardi soir, le patron donne sa chance à des jeunes musiciens. Les habitués le savent et viennent encourager les débutants dans une ambiance bon-enfant. Voilà bien longtemps qu’il n’a pas sorti sa guitare. Après tout, ça le distraira un peu. Avant de se laisser le temps de réfléchir, il attrape son étui et descend.

L’ambiance était bonne ce soir, pense-t-il en sortant du bar. On se serait cru dans les seventies, autour du feu.  Il regrette un peu d’être descendu, finalement tous ces sourires lui ont remué le couteau dans la plaie. Le son de sa guitare, les rires de l’assemblée, même les parfums alcoolisés de fin de soirée, tout ceci est si loin et si proche à la fois. Il fait quelques pas sur le trottoir, il va prendre un peu l’air avant de remonter dans son antre, histoire de se laver la tête…

-        Attendez, crie une voix claire derrière lui.

Il se retourne. Un regard franc d’un incroyable bleu le transperce. La jeune femme le dévisage,  l’air interrogateur.

-        Où avez-vous appris le morceau  que vous avez joué en dernier ?

Il hésite à répondre ou à tourner les talons. Cette inconnue au regard effronté l’intimide. Il se sent soudain coupable d’avoir chanté la chanson de Lili, mais après tout c’est aussi « sa » chanson. Et de quoi se mêle cette gamine, à la fin ?

-        Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Vous voulez les paroles ? répond-t-il sèchement.

-        Je connais cette chanson, c’est pour ça… répond la jeune femme désappointée par le son hargneux.

-        Et comment pourriez-vous la connaitre puisque c’est moi qui l’ai écrite, continue-t-il de plus en plus en colère.

Il s’approche d’elle, presque menaçant, cherchant à mieux voir son visage à la lumière du réverbère. Ce regard myosotis aux paupières ourlées, lui donne le vertige. Il recule brusquement et se passe une main sur les yeux.

-        Vous ne vous sentez pas bien, s’inquiète la jeune femme. Vous voulez que j’appelle quelqu’un ?

-        Dites-moi comment vous pourriez connaître cette chanson ! insiste-t-il en lui prenant le bras.

-        Oh ça va, réplique-t-elle en se dégageant, ça n’est pas une affaire d’état. Je ne vois pas ce qui vous énerve de la sorte.

-        C’est ma chanson alors vous ne pouvez pas la connaître. Où l’avez-vous entendue ? crie-t-il.

-        Arrêtez à la fin, réplique-t-elle, c’est ma tante Lili qui me l’a chantée, chaque fois que j’étais en vacances chez elle, coincée dans sa compagne pourrie !

-        Lili dites-vous ! Lili, qui est  cette Lili ?

Il est sonné. Elle s’approche, inquiétée par sa pâleur. Il titube puis s’affaisse sur le trottoir, les yeux clos

-        Lili, ma Lili, où es-tu ? murmure-t-il entre ses dents.

-        Remettez-vous, Monsieur, Réveillez-vous implore-t-elle. Vous me faites peur !

Il se redresse un peu groggy, la dévisage et lui dit : « Lili, Ma Lili, tu es revenue ! »

-        Non, moi c’est Julie. Lili c’est ma tante. Vous connaissez ma tante Lili ? demande la jeune fille.

-        Je ne sais pas, je croyais que ma Lili était morte… répond-t-il d’une voix blanche

-        La mienne n’est pas morte, elle élève des chèvres et des brebis dans une campagne perdue du côté du Larzac au milieu des loups. Elle vend des fromages aux herbes que les restaurants réputés de la région s’arrachent. Elle n’a plus beaucoup le temps de faire de la musique, mais quand elle avait un moment, elle passait des heures sur sa guitare, et cette chanson, je l’ai entendue des centaines de fois !

Il se redresse, un peu de couleur revient sur ses joues.

-        Elle vit dans le sud, dit-il. Dans le sud, loin de tout, c’était notre rêve…

-        Seriez-vous Renaud ? demande la jeune fille.

-        Oui, c’est moi répond l’homme.

-         J’ai beaucoup entendu parler de vous, dit-elle soudain souriante. Beaucoup, beaucoup ! Oui, je vous connais. Je croyais que vous étiez un fantôme qu’elle avait inventé pour se rendre intéressante.  Vous êtes son plus grand regret ! Je vous donne son adresse si vous voulez, elle sera très heureuse de vous revoir, je pense !

Il reste muet, écrasé d’émotion. Ses lèvres tremblent. Il regarde sa guitare comme si elle allait lui dicter sa conduite. Elle lui a sauvé la vie ce soir. Il sourit à la jeune fille et hoche la tête, les yeux pleins de larmes, ne pouvant prononcer un mot. Le soleil se lève au bout de l’avenue. Les grands arbres semblent frissonner de plaisir. Il se relève, un sourire au coin des lèvres. Finalement, la journée sera belle.

-        Vous savez jeune fille, Lili disait toujours que même quand la route était très sombre, il y avait toujours quelqu’un au bord du chemin pour vous prêter sa lanterne. Cette nuit, c’était vous, ma lanterne…"

 

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13/01/2019
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La Ronde de Septembre 2018: arbre(s)

Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.

 

Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est  arbre(s)...

 

 

Ainsi va la ronde aujourd'hui,

 

Marie-Noelle, http://ladilettante1965.blogspot.com

 

va chez Joseph Frisch https://jfrisch.blog

 

qui va chez Noel  http://cluster015.ovh.net/~talipo/

 

va chez Hélène  http://simultanees.blogspot.com

 

va chez Franck (ici!)  https://alenvi.blog4ever.com/articles

 

va chez Giovanni (Merci Giovanni de m'accueillir) https://leportraitinconscient.com

 

va chez Marie Christine  https://mariechristinegrimard.wordpress.com

 

va chez Dominique A. https://ladistanceaupersonnage.fr

 

va chez Dominique H. https://hadominique75.wordpress.com

 

va chez Guy  http://wanagramme.blog.lemonde.fr

 

qui va chez Marie Noelle et boucle la ronde...

 

 

 

 J'ai le grand plaisir d'accueillir Hélène et je remercie Giovanni de m'accueillir sur son blog.

 

 

 

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Là-haut,

à la lisière du causse est la forêt

noirs sont les troncs tout parsemés d'argent

comme un drap sur la ville brodé d'arbres pleureurs et de larmes en semis

 

au pied,

quelques feuillus de la forêt d'avant

le temps où tout fut arraché à la terre labile

et aux grands arracheurs ne restèrent que les yeux pour pleurer

 

au loin,

ils s'en allèrent chercher pour restaurer

ces terrains de montagne devenus désertiques

les grands pins noirs d'Autriche faux-semblants là de toute éternité 

 

*

 

Pourtant,

c'est l'été sous un soleil léger et par ce jour sans vent les arbres sifflent en douceur sous le courant des ascendances qui les poussent au ciel  et apportent ici tous les bruits de la ville...  les fût droits se balancent... avec lenteur les cimes poussent... époussetant le ciel de leurs plumeaux légers... ils sèment sur le sol rouge leurs  aiguilles en tapis, et des pignes blanchies... il flotte dans les airs des odeurs de résine, de terre et de lavande, sauvages 

 

*

 

assise sur le sol, 

sortant comme autrefois la couverture à carreaux du coffre de voiture, je m'endormis

 

*

 

sous la grande croix blanche, 

qui semble flotter le soir au-dessus de la ville, brillant des mille feux d'ampoules électriques ce qui m'émerveillait enfant, je rêvais de ce pays où Jésus était passé la nuit — ce que disait mon père à qui voulait l'entendre

 

*

 

Je rêvais,

Et c'est avec clarté que j'entendis les voix en grande conversation des pins noirs, ici, et là-bas des pins rouges, déracinés de la forêt de Bord dans le rez-de-jardin d'une grande bibliothèque — ce jardin couronné de quatre tours à livre ouvert, fenêtres closes de pages de bois jaune.  

 

*

 

Les volets et les tours murmuraient à chacun vous serez ce que je suis. Silence. Puis chaque tronc, rouge ou noir, et ces volets, jaunes comme des pans de mur ou des pages trop lues, récitaient à l'unisson, et peut-être en chantant comme un concert céleste porté par tous les vents, un poème de Corneille. Bercements.

 

Mende, 7 septembre 2018,

Panorama de la croix de mont Mimat

 

Texte et Image, Hélène Verdier, Septembre 2018


15/09/2018
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La Ronde de Juillet 2018: Désert

Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.

 

Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est  désert(s)...

 

 

Ainsi va la ronde aujourd'hui,

 

 

qui écrit chez Dominique Autrou
qui écrit chez Dominique Hasselmann
qui écrit chez Franck (ici!)
qui écrit chez Jean-Pierre Boureux
qui écrit chez Giovanni Merloni
qui écrit chez Marie-Noëlle Bertrand
 

 J'ai le grand plaisir d'accueillir Dominique Hasselmann et je remercie Céline de m'accueillir sur son blog.

 

 

 


 

 

 

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Désert occasionnel

 

Il peut s’étendre sous toute forme, sablonneuse, liquide, aérienne, mentale : il n’a pas de limites hors celles qui peuvent lui être données par la géographie, le satellite ou la mémoire. Le désert est toujours présent car son absence ne se fait pas remarquer et sa présence peut échapper au regard, proche ou distant. Je me souviens de l’oasis de Ghardaïa, en Algérie, la luxuriance de ses palmiers, le coulis permanent de son eau fraîche, ce havre vert à côté d’un monde minéral incertain (peut-être des serpents y survivent-ils ?), comme la frange d’un autre univers, la dernière étape avant d’entrer dans l’Achéron aux millions de grains, de poudre d’escampette, de dépôts marins ou célestes, du travail acharné d’un vent millénaire ou si ancien qu’il serait impossible à compter en siècles. Dans son sillage, le désert (ici, le Sahara) produit des dessins de vagues, les bateaux invisibles le parcourent sans cesse, les dunes ressemblent à des déferlantes apparemment immobiles et sereines – l’océan est un frère solide – mais elles se déplacent sans doute de nuit, quand le lampadaire de la lune éclaire leur progression silencieuse. Ce tableau changeant modèle un paysage pictural d’or et d’ocre, on cherche en vain qui tient le pinceau. Le vent s’amuse à faire bouger les contours de la dernière esquisse, comme la péniche rompt le calme du canal avant qu’il ne reprenne ses habitudes assoupies. Dans le désert du ciel, un avion passe, il laisse une trace, une signature, qui viendra plus tard s’effacer, son intrusion ayant détruit durant quelques minutes la marche ordonnée des nuages. Les yeux suivent ces lignes blanches qui ont imprimé leur élan sur la rétine : celle-ci les conservera un temps – celui de leur apparition – et puis elle passera à autre chose. Le désert mental recèle d’infinies ressources, l’amnésie progresse sans faire de bruit, « ne pas déranger » la chambre d’hôtel de la mémoire. Au dehors, des êtres se croisent sans se voir ou se parler car chacun possède son désert intérieur dont l’exploration arrivera à son terme un beau jour. Une plage de musique (Xenakis, par exemple) nous entraîne alors vers l’infini de la représentation.

 

texte et photo : Dominique Hasselmann


15/07/2018
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