Confinement jour après jour, au jour le jour
Me reviennent ces paroles d'une chanson de Moustaki, jour après jour, les jours s'en vont, laissant la vie à l'abandon.
Une tombée d'encre et de pigment par jour, jour après jour, jusqu'à épuisement du bloc de papier du moulin du roy,
serendi-pity
Le processus de la création
Le processus de la création. Beaucoup derrière ces deux mots. On lit tout sur le sujet, notamment que le génie n'y est qu'une part négligeable (nombreux alors sont ceux que cela rassure), alors que l'essentiel vient du travail, du travail répété et inlassable (cent fois sur le métier...). On n'avance pas beaucoup.
Une (ma?) conception du processus qui aboutit à une création (et peut être à une œuvre) est en grande partie liée au hasard, ou encore à la très en vogue sérendipité (anglicisme de serendipity).
Je l'expérimente en faisant interagir des matières entre elles, curieux des mouvements qui s'y déroulent, des courants qui prennent l'autorité pour tirer une forme initiale vers un but inattendu. Il se passe toujours des choses merveilleuses, des surprises souvent enthousiasmantes qui évoluent progressivement vers une création spontanée non prévue. Le processus lui-même est alors pour moi la vraie création. L’œuvre finale (les matières ayant fini de se mélanger et de circuler pour sécher) a souvent moins d'intérêt que le processus qui a abouti à celle-ci.
Par exemple, sur du papier relativement poreux, j'oppose des zones enduites de glacis non coloré (mélange d'un tiers d'huile de lin et deux tiers de térébenthine) à des zones imbibées d'eau et j'instille à l'aide d'une pipette des gouttes de colorant (encre de Chine, brou de noix, pigments divers). Si l'interaction du colorant avec les deux milieux sur lesquels il est en contact est différente, les marges entre les deux milieux elles-même, créent des mouvements de liquide que le colorant va emprunter pour le suivre ou être repoussé. Une épopée se dessine sous vos yeux. Vous êtes spectateur d'un processus de création que vous n'avez qu'initié.
Le reste n'est que hasard de flux et de physique, seren-dip-ity!
Pourtant, l’œuvre est là.
L'encre de Chine explore ces régions nouvelles toutes fraiches qu'on lui propose...
puis se fixe, épuisée après son aventure.
D'autres surprises nous attendent, par exemple en soulevant la feuille de papier une fois sèche, nous découvrons l'empreinte qu'a laissé le processus de la création sur le support en carton sur lequel elle était épinglée.
J'écris l'Odyssée
Quand on me demande et en ce moment, vous faites quoi? je réponds, en ce moment? j'écris l'Odyssée.
J'aurais au moins fait ça dans ma vie. J'aurais écrit l'Odyssée.
J'en suis au chant IX. Et ça devient palpitant. Je donne enfin la parole à Ulysse qui va raconter aux phéaciens bouche bée les aventures qui ont émaillées ses tentatives de retour vers Ithaque après l'interminable siège de Troie.
La ronde d'avril 2020: silence
Pour la ronde, un sujet commun est choisi, sur lequel chacun s'exprime et publie chez un(e) autre qui publie chez le suivant jusqu'à boucler la ronde. Elle tourne tous les deux mois et chaque fois nous étourdit.
Le thème de notre ronde, ce mois-ci, est silence...
Ainsi va la ronde aujourd'hui,
Marie Noëlle, écrit chez
Hélène qui écrit chez
Noël (talipo), chez
Dominique A, chez
Jacques, chez
Giovanni, chez
Marie Noëlle ....
J'ai le grand plaisir d'accueillir Noël et je remercie Dominique qui édite mon texte sur son blog
derrière les vitres
l'hiver file
le cercle se ferme
persiennes scellées et mes lèvres
le réveil déréglé s'inverse et le temps se freine
le verre de mes fenêtres se teinte de gris persillé de perles gelées
et je reste en ce prisme livide imprégné de mes velléités chétives entre
l'éveil et le déclin de ce ciel inerte
vient léger
derrière les vitres
tel le rire des grives ivres
le petit cri d'invite de l'espiègle fillette
elle erre vive de pré en pré entre les spectres des pins empesés de neige
elle émet
de ses lèvres fines
ce minime signe indistinct
et revient le silence éphémèrement brisé
je tire le pêne viens vers elle et même si le pied ripe je me dépêche
de l'index levé vers ses lèvres elle m'intime de ne rien dire et tend ce
même index vers les pics ceints de nimbes éthérés
de ses cils
frêle penne vibre
de ses dents brille le fier rire
de ses tresses d'ébène glisse le bercement
elle prend le sentier invisible en plein hiver et m'emmène en terres de gel
elle est reine
de ces neiges vierges
ces névés irisés de ciel
ces pierriers relevés de fins pendentifs de givre
me révèle
immense et limpide
cette sereine liberté
et je rêve
de rendre infinie
cette étreinte
Ce poème est écrit en utilisant uniquement les deux voyelles du mot "silence". Il est structuré en forme
bigollo ( www.talipo.fr/?page_id=1376#c_
La mort de Tintin
Cent fois frôlée,...
... je l'ai finalement trouvée, par hasard, sur un cliché de 1936. La houppe est là, le visage est dans l'ombre oú seule l'oreille droite est comme éclairée, les yeux déjà fermés pour l'éternité mais le corps, en retard, tarde à s'affaisser, en une chute amorcée mais jamais accomplie. Les nuages dans le ciel lourd sont menaçants comme les chaumes hirsutes qui tapissent le champ. Tintin aurait pu être un de ces soldats de l'Internationale venus soutenir la lutte contre la dictature fasciste, comme le fit un autre reporter, Hemingway...